Page:Daudet - Trente ans de Paris, Flammarion, 1889.djvu/155

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héroï-comique. Il menait les moustaches de « son pays » à l’Exposition, les perdait dans la rue des Nations, dans la galerie des machines, les arrosait de bière anglaise, vin hongrois, lait de jument, boissons exotiques et variées, les étourdissait de musique mauresque, tzigane, japonaise, les brisait, les harassait, les hissait — comme Tartarin sur son minaret — jusqu’aux tourillons du Trocadéro.

Mais la rancune du Provençal tenait ferme, et de là-haut, guettant Paris, le sourcil froncé, il demandait :

— Est-ce qu’on la voit sa maison ?

— Quelle maison ?

— Té !… de ce Daudet, pardi !

Et comme cela partout. Heureusement le train de plaisir chauffait et remportait, inassouvie, la vengeance du Tarasconais ; mais celui parti, il pouvait en venir d’autres, et de tout le temps de l’Exposition je ne dormis pas. C’est quelque chose, allez, de sentir sur soi la haine de toute une ville ! Encore aujourd’hui, quand je vais dans le Midi, Tarascon me gêne au passage ; je sais