Page:Daudet - Trente ans de Paris, Flammarion, 1889.djvu/166

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lunettes, pendant que des piaillements de grues passaient très haut dans l’air et que des chacals froissaient l’herbe autour de moi, je sentais grelotter mon fusil sur la garde du couteau de chasse fiché en terre.

J’ai prêté à Tartarin ce frisson de peur et les bouffonnes réflexions qui l’accompagnaient ; mais c’est une grande injustice. Je vous jure bien que, si le lion était venu, le bon Tartarin l’aurait reçu, le riffle au poing, la dague haute ; et si sa balle se fût perdue, son sabre faussé dans un corps à corps, il eût fini la lutte poil contre poil, étouffé le monstre entre ses bras à doubles muscles, déchiqueté de ses ongles, de ses dents, sans seulement cracher la peau ; car c’était un rude homme au demeurant que ce chasseur de casquettes, et de plus un homme d’esprit qui a été le premier à rire de ma galéjade !


L’histoire de Tartarin ne fut écrite que