Page:Daudet - Trente ans de Paris, Flammarion, 1889.djvu/191

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caprice du vent, de l’heure, dans une existence terriblement agitée. Il y eut des intermittences, des cassures ; puis, je me mariai et j’emmenai ma femme en Provence pour lui montrer mon moulin. Rien n’avait changé là-bas, ni le paysage ni l’accueil. La vieille mère nous serra tous deux tendrement contre son petit châle à carreaux, et l’on fît, à la table des garçons, une petite place pour la novio. Elle s’assit à mon côté sur la plate-forme du moulin où la tramontane, voyant venir cette Parisienne ennemie du soleil et du vent, s’amusait à la chiffonner, à la rouler, à l’emporter dans un tourbillon comme la jeune Tarentine de Chénier. Et c’est au retour de ce voyage que, repris par ma Provence, je commençai au Figaro une nouvelle série des Lettres de mon moulin, les Vieux, la Mule du pape, l’Élixir du père Gaucher, etc., écrits à Champrosay, dans cet atelier d’Eugène Delacroix dont j’ai déjà parlé pour l’histoire de Jack et de Robert Helmont. Le volume parut chez Hetzel en 1869, se vendit péniblement à deux mille exemplaires, attendant, comme les autres