Page:Daudet - Trente ans de Paris, Flammarion, 1889.djvu/192

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œuvres de mon début, que la vogue des romans leur fit un regain de vente et de publicité. N’importe ! c’est encore là mon livre préféré, non pas au point de vue littéraire, mais parce qu’il me rappelle les plus belles heures de ma jeunesse, rires fous, ivresses sans remords, des visages et des aspects amis que je ne reverrai plus jamais.

Aujourd’hui Montauban est désert. La chère maman est morte, les garçons dispersés, le vin de Châteauneuf rongé jusqu’à la dernière grappe. Où Miracle et Miraclet, Siblet, Mitifio, le Roudéirou ?

Si j’allais là-bas, je ne trouverais plus personne. Seulement les pins, me dit-on, ont beaucoup grandi ; et sur leur houle verte scintillante, restauré, rentoilé comme une corvette à flot, mon moulin vire dans le soleil, poète remis au vent, rêveur retourné à la vie.