Page:Daudet - Trente ans de Paris, Flammarion, 1889.djvu/298

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naturelle, ce lazzaronisme de race qui répugne aux longs efforts d’attention, de réflexion, et se double chez moi d’une horrible faculté analytique et critique. Une fois à l’eau, il faut nager ; et c’est pourquoi je m’y jette résolument. Mais quelle fièvre, que de transes ; et la peur de tomber malade, et l’angoisse de se sentir talonné par ce feuilleton aux enjambées dévorantes !

Jack fut terminé vers la fin d’octobre. J’avais mis près d’un an à l’écrire ; c’est de beaucoup le plus long et le plus vite mené de tous mes livres. Aussi me laissa-t-il une fatigue dont j’allai, toujours avec mes deux chers compagnons de route, me remettre au bon soleil de la Méditerranée, dans les violettes de Bordighera. J’eus là des journées de véritable convalescence cérébrale, avec les silences, les contemplations absorbées de la nature, ces aspirations heureuses d’air pur et vivifiant qui suivent une grande maladie. À mon retour, Jack parut chez l’éditeur Dentu, en deux gros volumes, et n’eut pas le succès de vente de Fromont. C’est long et c’est cher, deux volumes, pour nos habi-