Page:Daudet - Trente ans de Paris, Flammarion, 1889.djvu/316

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aussi, mais inconnues, mais perdues dans la foule où personne n’aurait songé à les chercher.

N’est-ce pas la vraie façon d’écrire le roman, c’est-à-dire l’histoire de gens qui n’auront jamais d’histoire ? Tous les personnages de Fromont ont vécu ou vivent encore. Avec le vieux Gardinois, j’ai fait de la peine à quelqu’un que j’aime de cœur, mais je n’ai pu supprimer ce type de vieillard égoïste et terrible, de parvenu implacable qui, parfois, sur la terrasse de son parc, enveloppant de son regard avide les grands bâtiments de la ferme et du château, les bois, les cascades, disait à ses enfants assemblés : « Ce qui me console de mourir, c’est qu’après moi, aucun de vous ne sera assez riche pour conserver tout cela. » Le caissier Planus s’appelait Schérer. Je l’ai connu dans une maison de banque de la rue