Page:Daudet - Trente ans de Paris, Flammarion, 1889.djvu/319

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scène, à garder une individualité sous tant de changeantes défroques. J’ai là, parmi d’anciennes notes feuilletées pour écrire ceci, une « Bénédiction de la mer », racontée par un acteur, qui est bien la chose la plus extraordinaire du monde. Je ne la transcris pas, désespérant de pouvoir rendre les roulements d’yeux et de voix, l’attendrissement de trois-quarts, le halètement, la pose tremblée des grandes émotions qui accompagnaient ce singulier récit, entendu au foyer de l’ancien Vaudeville. Et voici encore, sur un cahier de croquis, l’étonnante attitude d’un autre Delobelle devant sa maison brûlée par les Prussiens, traduisant un sentiment de regret bien naturel par la facticité de gestes la plus comique ; car c’est la spécialité de cette race qui fait son étude d’interpréter la vie, de tout comprendre à faux et de garder dans les yeux l’optique convenue, sans ombre, des planches. Delobelle était donc bien campé en mon esprit, mais je ne l’avais pas encore complété par la famille, quand j’assistai, vers cette époque, à l’enterrement de la fille d’un grand comé-