Page:Daveluy - Le filleul du roi Grolo, 1924.djvu/209

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toute la cour en est encore à se le demander.

— Et qu’ordonne le roi, au soi-disant duc de Clairevaillance, demanda Jean, avec lassitude. Il n’avait plus la force de nier ou de couper court à de tels renversants propos. Une fatigue, sans égale encore pour lui, gagnait non seulement ses membres, mais aussi son esprit et son cœur. Lutte-t-on aussi impunément, contre des fées puissantes ?

« Voici, Votre Grâce, apprit le page. Vous avez à me suivre au palais. Je vous y ferai pénétrer sans que l’on ne vous voie, soyez tranquille. Vous vous reposerez ensuite dans vos appartements jusqu’à dix heures demain mutin, heure de l’audience que vous accorde le roi. Il vous signifiera lui-même ses volontés… Appuyez-vous sur moi, Votre Grâce, vous succombez sous la fatigue, je vois bien cela… Je ne vous dis plus d’ailleurs que ceci : la joie de notre roi, si sombre hier encore, nous ravit tous ! Ah ! si vous l’entendiez, si vous saviez de quel ton affectueux, enthousiaste, il parle de vous !… Il n’a vraiment que votre nom à la bouche depuis deux heures ! »

Jean pressa doucement le bras de son aimable compagnon. Son cœur murmurait tout bas : « Je suis heureux, certes, du bonheur de Grolo, et charmé, reconnaissant de son affection, mais que n’est-ce ma bien-aimée Aube, qui n’a ainsi « que mon nom à la bouche ».

Ô amoureux fol, humble et charmant !

— Beau page, fit soudain Jean, à mon tour, permettez que je vous pose une seule question. Rochelure et la reine Épine prennent-ils en bonne part ma faveur auprès de Sa Majesté.

— La reine Épine ? Rochelure ? s’exclama le jeune homme. Ne craignez plus rien d’eux, Votre Grâce. Ils ont fui secrètement du palais, il n’y a pas une heure. Un exil immédiat et sans recours a été prononcé contre eux. Tous s’en réjouissent, dans le royaume, comme d’une bénédiction céleste ! Quels êtres perfides et cruels ! Leur règne est fini, Dieu soit loué ! Je le répète ».