Page:Daveluy - Le filleul du roi Grolo, 1924.djvu/62

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petit gnome demeura à l’écart, silencieux et énigmatique. À une question de Jean à son sujet, l’un des gnomes haussa les épaules et répondit vivement : « Bah ! tu le connaîtras assez tôt, celui-là petit ». Jean regarda alors avec plus d’attention ce treizième petit vieillard. Il vit dans cette physionomie un je ne sais quoi d’ardent et de contenu, d’ironique et de faussement candide qui le fit tressaillir. Il se détourna promptement. Il sourit à son professeur d’escrime… « Oh ! quel bonheur, s’exclama-t-il, vous m’apprendrez, maître, à repousser une épée qui s’enfonce sans pitié dans la poitrine ! »

Le lendemain commencèrent les leçons. Jean, loin de s’ennuyer, se divertit beaucoup. Quel esprit possédaient ces gnomes ! Quelle patience aussi ! Sans se lasser, ils reprenaient les mêmes gestes, les mêmes tâches qui semblaient fort ardus pour Jean.

Bientôt, à l’escrime, après un an d’études le jeune bûcheron put se croire plus habile que son maître. En élève présomptueux, il défia son professeur en présence de trois de ses compagnons.

« Venez, venez, lui cria-t-il, que je vous transperce aujourd’hui de part en part. Mon bras me paraît invincible. »



Le gnome sourit finement. Il monta sur une table comme à l’ordinaire afin de se trouver à la hauteur de Jean. Il laissa le jeune bûcheron croire quelques instants à une victoire facile et prompte. Puis soudain, il se réveilla et fondit sur son élève qui para mal le coup, pris à l’improviste. Et ce fut alors une série de bottes les plus diverses comme les plus célèbres que Jean ne put qu’à grand peine repousser. Il suait, soufflait, bondissait. Enfin, il cria grâce, épuisé. Dans un coin de la pièce les trois gnomes témoins de la passe d’arme amusante, pouffaient de rire, applaudissant à l’agilité incomparable de leur compagnon.

Jean s’était laissé tomber sur un siège. Il cachait sa confusion sous le rire. « Oh ! maître, dit-il enfin, quelle folie d’avoir cru que j’aurais raison de vous. Je vous en fais mes plus humbles excuses.