Page:Daviault - Le Baron de Saint-Castin, chef abénaquis, 1939.djvu/114

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
112
LE BARON DE SAINT-CASTIN

ples dont les combattants profitaient pour refaire leurs forces et leur ravitaillement. Engageant sa parole et sa signature de blanc, d’ancien officier français, Saint-Castin au contraire se serait vu dans l’obligation d’imposer le respect de la foi jurée. C’est ce qu’il entendait éviter.

Neal (p. 190) et Mather (II, 625) reproduisent le texte du traité de 1693, dont les historiens de la Nouvelle-Angleterre ne mettent pas l’existence en doute.

Ceux de chez nous affirment qu’il n’y eut que des pourparlers. Leur erreur vient d’une lettre de Callières en date du 19 octobre 1691 7. À défaut d’autre preuve, la lettre de Lamothe-Cadillac, datée du 28 septembre 1691, devrait les éclairer : « Ayant fait la paix dans un navire où le gouverneur de Boston était, et ayant jeté la hache de guerre dans la mer, afin disaient-ils qu’on ne la pût jamais repêcher »  8.

En vérité, les sauvages se payaient la tête des blancs, aussi bien des Anglais que des Français. En même temps qu’ils juraient, dans Pemquid, une amitié éternelle à leurs voisins de la Nouvelle-Angleterre, leurs courriers affirmaient à Frontenac que les pourparlers avec les Anglais n’aboutiraient à rien, si ce n’est à soutirer des vivres aux Anglais. La chose devait se renouveler l’année suivante. Aussi Frontenac écrivait-il au ministre :

« Vers la fin du mois de novembre, deux sauvages d’Amirkankan, village abénaquis, vinrent présenter un collier à Monsieur le Gouverneur, d’une grandeur et d’une figure extraordinaire, pour l’assurer que quoyqu’ils eussent eu des pourparlers avec les Anglais, qu’ils eussent donné des ostages et en eussent tiré des hardes et des marchandises, leur cœur n’avait pas changé pour cela, et la seule nécessité de ravoir quantité de leurs gens qui estaient prisonniers et de se fournir des choses qui leur étaient nécessaires et qu’ils ne pouvaient avoir de nous, les avaient obligez à faire ces démarches, qu’ils méditaient un coup considérable à la première occasion et que rien n’estait capable de les destacher des intérêts des Français ». Et encore : « Il y a peu de jours que j’ay esté averty que nos Cannibats qui en estaient proches s’estaient crus obligez d’entrer en quelques pourparlers pour tirer d’eux des hardes et les choses dont ils avaient besoin. Ils m’ont cependant envoyé des députez pour m’assurer que tout ce qu’ils avaient fait n’estait que par grimace et pour les mieux tromper quand ils en trouveraient l’occasion favorable » 9.

Le traité était à peine signé que, dans la Nouvelle-Angleterre, on accusait les plénipotentiaires anglais d’avoir été les jouets des Indiens (Niles, p. 234).

Les Français n’approvisionnaient pas les sauvages comme ils le promettaient et comme le comportait le plan