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LE BARON DE SAINT CASTIN

exploitation florissante en Acadie, les ressources mises à sa disposition en France lui auraient été d’un grand secours 7.

S’il partit tout de suite pour Pentagoët, après son entrevue avec Frontenac, c’était pour remplir une mission urgente. Cette figure de soldat esclave de la consigne n’est peut-être pas aussi romantique que celle du civilisé attiré invinciblement par la vie primitive, c’est-à-dire du disciple de Jean-Jacques avant la lettre. N’est-elle pas plus noble ?

Saint-Castin avait pour fonction de garder les sauvages dans l’amitié de la France. De toute évidence, il n’y pouvait réussir qu’en liant son sort à celui de ces gens.


— III —


Commerçant. — Saint-Castin tira parti des circonstances.

Ce que fut son existence chez les sauvages, son compatriote du Béarn, La Hontan, égaré aussi dans les forêts américaines, le résume en gros dans ses Nouveaux Voyages (vol. III, p. 29-30) :

« Le Baron de Saint-Casteins Gentilhomme d’Oleron en Bearn s’est rendu si recommandable parmi les Abenaquis depuis vingt & tant d’années, vivant à la Sauvage, qu’ils le regardent aujourd’hui comme leur Dieu tutélaire. Il étoit autrefois Officier de Carignan en Canada, mais dès que ce Régiment fut cassé, il se jetta chez ces sauvages dont il avoit appris la langue. Il se maria à leur maniere, préférant les Forêts de l’Acadie aux Monts Pirénées dont son pays est environné. Il vécut les premières années avec eux d’une manière à s’en faire estimer au-delà de tout ce qu’on peut dire. Ils le firent grand chef, qui est comme le Souverain de la Nation & peu à peu il a travaillé à se faire une fortune dont tout autre que lui sçauroit profiter en retirant de ce Pays-là plus de deux ou trois cens mille écus qu’il a dans ses coffres en belle monnoye d’or. Cependant il ne s’en sert qu’à acheter des marchandises pour faire des presens à ses confrères les Sauvages, qui lui donnent ensuite, au retour de leurs chasses, des présens de castors d’une triple valeur. Les gouverneurs généraux du Canada le ménagent, & ceux de la Nouvelle-Angleterre le craignent. Il a plusieurs filles & toutes mariées très avantageusement avec des François, ayant donné une riche dot à chacune. Il n’a jamais changé de femme, pour apprendre aux Sauvages que Dieu n’aime point les hommes inconstants ».

Récit assez fantaisiste dans le détail. La Hontan était un fameux hâbleur ! Mais, comme il lui arrive souvent, il a donné une impression d’ensemble conforme à la réalité des faits, si l’on oublie les coffres d’or et les deux ou trois cents mille écus. On n’aurait pu trouver une telle