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LE BARON DE SAINT CASTIN

en avoir gardé une si grande quantité quatre ou cinq ans après l’arrêt des exportations anglaises.

Les colons soupçonnaient l’intervention occulte de blancs mystérieux. Contenus chez eux par les Mohawks favorables aux Anglais, les Hollandais de New-York n’avaient pu approvisionner les indigènes. Niles accusait les Français du Canada 21 et Sylvester, se faisant l’écho des vieux chroniqueurs, soupçonne les Canadiens d’avoir muni les sauvages d’armes ou de munitions et les Jésuites, de les avoir fanatisés 22. En réalité, la Nouvelle-France ignorait cette guerre et, du reste, n’entretenait aucune relation avec les Abénaquis. D’autre part, nous l’avons noté, aucun prêtre n’habitait ni ne parcourait la région.

Toutefois, les Anglais croyaient avec raison à l’action d’un étranger. À en croire un espion indien, revenu de Pentagoët, « un homme du Canada, parmi les sauvages, les poussait à la guerre contre l’Anglais ; il leur fournissait armes et munitions » 23. On finit par découvrir, écrit Belknap 24 le nom de cet étranger ; c’était le baron de Saint-Castin, « officier français réformé, marié à la fille de Madokawando et propriétaire d’un poste de traite à Penobscot, où, à l’écart de tout gouvernement établi, il se considérait comme seigneur indépendant ». Dès lors, l’existence de notre héros préoccupa les puritains.

Les chefs déclarés de la guerre, ses grands dirigeants étaient d’abord Madokawando, sachem suprême à Pentagoët et beau-père de Saint-Castin, puis son allié Squando, sachem de Saco.

Madokawando et Squando, au dire de Belknap, étaient des personnages hors de l’ordinaire, « étranges sauvages du genre mystique, graves et sérieux dans leurs discours, se prétendant visités par des messagers d’En-Haut. Pendant un certain temps, ils furent les arbitres du pays de l’Est ».

Mugg, premier ministre de Madokawando, remarquable entraîneur d’hommes, se distinguait par son activité, son esprit d’initiative, les ressources de son cerveau fécond en ruses.

Ainsi aperçoit-on cette remarquable organisation de l’état-major général des sauvages qui devait tenir les Anglais en échec pendant trente ans.