Page:De Banville - Les Stalactites.djvu/94

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Le tigre indien, le lynx, les panthères tachées,
Suivent devant lui, par des guirlandes attachées,
Les chèvres des monts, que, réjouis par de doux vins,
Mènent en dansant les Satyres et les Sylvains.

Après eux Silène, embrassant d’une lèvre avide
Le museau vermeil d’une grande urne déjà vide,
Use sans pitié les flancs de son âne en retard,
Trop lent à servir la valeur du divin vieillard.

Sous leurs peaux de cerfs les Évantes et les Thyades,
Le chœur furieux des Bacchides et les Ménades,
En arrondissant l’arc vigoureux de leurs beaux reins,
Sautent aux accords des flûtes et des tambourins.

La reine du chœur, déesse à la rouge paupière,
Heurte, en agitant ses grands cheveux mêlés de lierre
Sur ses seins meurtris par le vent de ces lieux déserts,
Ses crotales d’or dont le chant déchire les airs.

En l’honneur du dieu retentissent les dithyrambes ;
Le chœur en démence entre-choque ses mille jambes,
Et, quittant la terre avec le rhythme forcené,
Comme un tourbillon vole sur un mode effréné.

Folle, ayant encor du vin sur le coin de sa lèvre,
Seule, Aganappé, la belle Nymphe aux pieds de chèvre,
Pâle de désir, et pleine de l’amour du Dieu,
S’arrête, pensive, et tourne vers lui son œil bleu.