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ne distingua pas la forme d’Amaury, étendu par terre. La fenêtre se referma.

Le long des murs, des roses effeuillaient leurs pétales jaunis…

Chaque nuit elle était venue contempler le troubadour endormi ; elle avait veillé ce sommeil aux mirages enchantés dont elle peuplait les songes. Elle restait longtemps pensive et souriante ; puis, quand l’aube répandait dans le ciel ses voiles violettes et que les étoiles sombraient dans un océan de lumière très pâle, elle disparaissait, jetant un dernier baiser au fou qui se croyait vilain et dédaigné.


* * *


La fraîcheur de la brise réveilla le pauvre gueux de sa mortelle torpeur. Il lui sembla d’abord être très loin parmi des choses hostiles et inconnues. Il frissonna. Puis il se souvint. Il revit les petites maisons dont l’étage semblait un front soucieux et ridé. Alors, l’atmosphère qu’il aspirait à grands traits, chargée de senteurs lourdes, raviva sa souffrance.

Le mal, à présent, lui serrait les tempes dans un étau inexorable. Ses mains pâles et maigres se meurtrissaient au contact des pierres moussues et disjointes. Au prix d’un effort, qui fit ruisseler son front de gouttelettes froides, il parvint à se dresser sur les genoux et alors il fixa longuement la fenêtre qu’il n’avait jamais vu s’ouvrir.

« Je veux mourir plus près d’elle ! Là, dans les roses qui embaument. Pour qu’au matin, venant cueillir le bouquet de la vierge, elle trouve mon corps, si léger et si faible parmi les pétales fanés… »