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obéit. Son ſtile ne fut plus le même, ſa gaieté fut décente, ſon impatience fut contenue. Les courtiſans ne comprenoient rien à cette métamorphoſe : Quelques-uns d’entr’eux en furent extrêmement alarmés. Si le Roi, diſoient-ils, peut ſurmonter d’un moment à l’autre, une habitude priſe depuis ſi long-tems, il pourra tout ce qu’il voudra : ô fortune, ne permet pas qu’il veuille voir clair dans les affaires, apprécier la louange, diſcerner le mérite, ſe paſſer des inutiles, éloigner les flateurs ! Le Roi remarquoit cette conſternation, mais il n’en démêloit pas la cauſe ; ſeulement il ſe ſavoit très-bon gré d’avoir ſu ſe vaincre, & trouvoit mauvais que loin de lui en faire compliment on eut l’air plus intimidé avec lui que s’il avoit dit aux gens les plus groſſes injures.

Huit jours après la première apparition, le Roi s’enferma dans ſon cabinet, & au bout d’une heure de rêverie, il vit le même phantôme qui lui dit d’un ton plus doux que la premiere fois ; ſois plus ſobre. J’y conſens, dit le Roi, mais j’ai l’eſtomac