Page:De Charrière - Bien-né. Nouvelles et anecdotes. Apologie de la flatterie.djvu/18

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
9

de ſavoir ce qu’elle lui diroit à leur premiere entrevue.

Le jour venu, Bien-né, n’eut pas peu de peine à ſe débarraſſer de ſes courtiſans, qui commençoient à redouter à l’excès ſes momens de retraite & de ſolitude. Il leur dit enfin : je veux être ſeul ; & ils séloignerent. Le phantôme ne ſe fit pas attendre.

Chaſſes moins ſouvent, lui dit-il ; le pouvoir que tu as ſur toi même, augmente, à meſure que tu l’exerces, & ce ſacrifice ne te ſera pas plus difficile que les autres. Bien-né ne fit cette fois aucune objection : il ſe demanda ſeulement quel uſage il feroit du tems qu’il avoit coutume d’employer à la chaſſe. Eſt-ce du tems gagné, dit-il, ſi je ne ſais qu’en faire ? Obéis, dit le phantôme, je reviendrai dans quinze jours. Le Roi, qui ſe jour là ſe propoſoit de courir le Cerf, fit contremander les courtiſans, les chevaux, & les chiens, & reſta ſeul, à ſe promener, & à rêver dans ſa chambre. Huit jours ſe paſſerent, pendant leſquels il ne chaſſa qu’une fois. Il s’enuya ſouvent ; mais le regime, auquel il con-