Page:De Coster - Contes brabançons, 1861.djvu/158

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ferme sans étage, dont le toit de chaume figurait assez bien le dos d’un immense poisson.

À l’intérieur était une grande cheminée où brûlait un feu de bois à demi éteint. La salle qui, par l’absence de plafond et la forme ogivale de la charpente laissée à découvert du toit, faisait songer à une chapelle gothique, était tendue de vieux cuir des Flandres ; au mur étaient accrochés des squelettes d’hommes et d’animaux, des reliquaires, des oiseaux et des armes de tous les pays. Au milieu de ce tohu-bohu de choses rares rayonnait, placé dans le jour le plus favorable, un splendide portrait de femme. Sous le portrait, centre évident de toutes les pensées du vieillard, était un violon, son instrument favori.

Jérôme mit lui-même le couvert ; toutes les heures de la nuit sonnèrent pendant que nous causions ; le soleil se levait quand, remué jusqu’au fond du cœur et aimant déjà mon nouvel ami comme un père, je le quittai.

Quelque temps qu’il fit, j’allais lui rendre visite, et Dieu sait qu’il me vit souvent arriver crotté jusqu’à l’échine et trempé jusqu’aux os. Il vit bientôt combien je lui étais attaché, et peu à peu, par quelques mots jetés dans nos conversations, il me mit au courant de sa vie. Il était né à Gand, avait été peintre, et pour moi, le portrait accroché au mur témoignait assez de son talent. Un jour, en me