Page:De Coster - Contes brabançons, 1861.djvu/164

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velée, elle court et vole, bondit et revient de la terre au ciel, de l’enfer aux étoiles. Le monde lui appartient pour le peupler de ses enfants. Elle eut mille amoureux, peu d’amants, et parmi eux Breughel, Jan Luyck, Callot, Hoffman. Ceux-là elle les aima follement et les fit grands. Elle eut de Gœthe ce bel enfant nommé Faust, mais l’enfant eut pour parrain et marraine le Savoir et la Raison. Place à la Muse folle, place à la Fantaisie ! »

Jérôme ensuite, me prenant par la main, ouvrit la fenêtre et me montra la campagne : la nuit était presque venue ; de rouges lueurs, derniers reflets du soleil, semblaient glisser encore sur les arbres noirs ; dans le ciel, d’un bleu de turquoise, scintillait une étoile : « La nature, me dit Jérôme, voilà le livre du poète, voilà ce qu’il doit avant tout aimer et comprendre. »

Puis s’adressant aux fantômes :

Rappelez parmi vous la pâle mélancolie, elle est votre sœur et votre égale ; l’homme que tous vous aimerez sera le Génie, si… » et s’interrompant, il me montra du doigt un trou imperceptible fait par un ver dans une lourde table de chêne, « s’il est à vous écouter, patient comme ce petit ver l’a été à trouer cette table, s’il vous aime d’un amour constant, comme ce ver aime ce bois, s’il sait vaincre un à un tous les obstacles, comme ce ver troue