Page:De Coster - Contes brabançons, 1861.djvu/183

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peut-être : Abattrais-tu un cheval, pour t’asseoir sur le trône de Pierre ? Non. Tuerais-tu un homme pour ceindre la triple couronne ? Non encore. Il y a cependant moins de sang dans un homme que dans un cheval. Meurtrirais-tu un peuple pour conserver ton pouvoir temporel ? Pas de réponse.

— Quel crime ai-je commis pour m’entendre adresser de semblables questions ?

— Nul autre que celui de tes pensées.

— Si tu pouvais lire dans ma conscience.

— Ta conscience ! elle est pareille à celle de tous les ambitieux de pouvoir. C’est une chambre sombre, la porte en est toujours entre-baillée, afin d’y laisser de nuit, et chaussés de feutre, entrer tous les vices. Chacun d’eux a tué la vertu qui le gênait, tous feignent de dormir jusqu’au moment où le maître a besoin d’eux et qu’ils disent : Nous voici.

— Que Dieu te pardonne tes injures.

— Il n’a rien à faire ici. Je suis un esprit des ténèbres, un fantôme venu des profondeurs de l’enfer ; je suis le crime, je suis le mal, c’est moi qui ai tendu là cette corde pour t’y faire danser. Dieu est là, en bas, parmi les enfants et les bonnes gens, le mal est ici ; choisis maintenant, danse ou descends.