Page:De Coster - Contes brabançons, 1861.djvu/214

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raison ? Ha, je voudrais le corriger de ce défaut, non point par des larmes ni des airs rechignés, mais en riant pour te faire rire comme je fais à présent, mon homme.

— Mignonne, dit Ser Huygs, je m’imagine souvent que tu regrettes ton pays de feu, tes sables brûlants et les jaunes museaux des sectateurs du prophète.

— Il n’en faut point médire, répartit Johanna, mais ne point croire non plus que mon cœur tire à rien de ce que j’ai laissé là-bas. Où tu es, je suis joyeuse, où tu vas, je vais toute aise et quand tu me parles et me regardes de tes yeux vifs et que je suis dolente, je sens comme le souffle du renouveau qui éveille les fleurs sous la neige.

Ser Huygs écoutait bien ravi : Je ne voudrais plus, dit encore Johanna, les revoir, ces sables africains, car j’aime ce beau duché de Brabant, et son gras pays et ses arbres ombreux et ses bons hommes travaillant comme des serfs tout le jour et passant les soirs et parfois les nuits en noces joyeuses et buveries chantantes…

— Mais, dit Ser Huygs, ceci n’explique point assez pourquoi je t’ai trouvée tantôt si songeuse…

— Ne te l’ai-je point dit ? répondit Johanna en feignant la surprise et bien décidée à ne point répéter à Ser Huygs les confidences de sa sœur. Car les femmes semblent avoir