Le populaire s’aſſemblait autour de lui ; les femmes étaient allées chercher des mouchoirs de toile fine & blanche & lui eſſuyaient le viſage pour conſerver ses larmes comme des reliques & lui diſaient : « Monſeigneur, comme vous avez chaud ! »
Le sonneur les regardait lamentablement & faiſait du nez, malgré lui, des grimaces.
Mais comme les larmes coulaient à flots de ses yeux, les femmes diſaient :
— Grand saint Martin, pleurez-vous sur les péchés de la ville d’Ypres. N’eſt-ce pas votre noble nez qui bouge ? Nous avons cependant suivi les conſeils de Louis Vivès & les pauvres d’Ypres auront de quoi travailler & de quoi manger. Oh ! les groſſes larmes ! Ce sont des perles. Notre salut eſt ici.
Les hommes diſaient :
« Faut-il, grand saint Martin, démolir chez vous la Ketel-straat ? Mais enſeignez-nous surtout les moyens d’empêcher les fillettes pauvres de sortir le soir & de courir ainſi mille aventures.
Soudain le peuple cria : « Voici le bedeau ! »
Ulenſpiegel vint alors &, prenant Pompilius à bras-le-corps, l’emporta sur ses épaules, suivi de la foule des dévots & dévotes.
— Las ! lui diſait tout bas à l’oreille le pauvre sonneur, je vais mourir démangé, mon fils.
— Tiens-toi raide, répondait Ulenſpiegel, oublies-tu que tu es un saint de bois ?
Il courut le grand pas & dépoſa Pompilius devant le prévôt qui s’étrillait de ses ongles juſqu’au sang.
— Sonneur, dit le prévôt, t’es-tu gratté comme nous ?
Non, meſſire, répondit Pompilius.
— As-tu parlé ou fait un geſte ?
— Non, meſſire, répondit Pompilius.
— Alors, dit le prévôt, tu auras tes quinze ducats. Va te gratter maintenant.