— Veux-tu te repentir & dire qu’il a bien fait ? dit Très-Long à Ulenſpiegel.
— Parole de soldat n’eſt plus parole d’or, répondit Ulenſpiegel.
— Paſſez la corde, dit de Lumey.
Le bourreau allait obéir ; une jeune fille toute de blanc vêtue & couronnée de fleurs, monta comme folle les marches de l’échafaud, sauta au cou d’Ulenſpiegel & dit :
— Cet homme eſt le mien ; je le prends pour mari.
Et le peuple d’applaudir, & les femmes de crier :
— Vive, vive la fillette qui sauve Ulenſpiegel !
— Qu’eſt-ce ceci ? demanda meſſire de Lumey.
Très-Long répondit :
— D’après les us & coutumes de la ville, il eſt de droit & loi qu’une jeune fille pucelle ou non mariée sauve un homme de la corde en le prenant pour mari au pied de la potence.
— Dieu eſt avec lui, dit de Lumey ; déliez-le.
Chevauchant alors près de l’échafaud, il vit la fillette empêchée à couper les cordes d’Ulenſpiegel & le bourreau voulant s’oppoſer à son deſſein & diſant :
— Si vous les coupez, qui les payera ?
Mais la fillette ne l’écoutait point.
La voyant si preſte amoureuſe & subtile, il fut attendri.
— Qui es-tu ? dit-il.
— Je suis Nele, sa fiancée, dit-elle, & je viens de Flandre pour le chercher.
— Tu fis bien, dit de Lumey d’un ton rogue.
Et il s’en fut.
Très-Long alors s’approchant :
— Petit Flamand, dit-il, une fois marié, seras-tu encore soudard en nos navires !
— Oui, meſſire, répondit Ulenſpiegel.
— Et toi, fillette, que feras-tu sans ton homme ?
Nele répondit :
— Si vous le voulez, meſſire, je serai fifre en son navire.
— Je le veux, dit Très-Long.
Et il lui donna deux florins pour les noces.
Et Lamme, pleurant & riant d’aiſe, diſait :