Page:De Coster - La Légende d’Ulenspiegel, 1869.djvu/87

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que mieux ; car ils sont de Flandres ses pieds alertes, du Franc de Bruges son œil fin & brun, & son nez & sa bouche faits par deux renards experts es sciences de malices & sculptures.

— Qui donc lui fit, demanda Claes, ses bras de fainéant & ses jambes trop promptes à courir au plaiſir ?

— Son cœur trop jeune, répondit Soetkin.


XXXVIII


Katheline guérit en ce temps-là, par des simples, un bœuf, trois moutons & un porc appartenant à Speelman, mais ne put guérir une vache qui était à Jan Beloen. Celui-ci l’accuſa de sorcellerie. Il déclara qu’elle avait jeté un charme à l’animal, attendu que, pendant qu’elle lui donnait les simples, elle le careſſa & lui parla, sans doute en une langue diabolique, car une honnête chrétienne ne doit point parler à un animal.

Ledit Jan Beloen ajouta qu’il était voiſin de Speelman, dont elle avait guéri les bœuf, moutons & porc, & si elle avait tué sa vache c’était sans doute à l’inſtigation de Speelman, jaloux de voir que ses terres, à lui Beloen, étaient mieux labourées & rapportaient davantage que les siennes, à lui Speelman. Sur le témoignage de Pieter Meulemeeſter, homme de bonne vie & mœurs, & auſſi de Jan Beloen, certifiant que Katheline était réputée sorcière à Damme, & avait sans doute tué la vache. Katheline fut appréhendée au corps & condamnée à être torturée juſqu’à ce qu’elle eût avoué ses crimes & méfaits.

Elle fut interrogée par un échevin qui était toujours furieux, car il buvait du brandevin toute la journée. Il fit, devant lui & ceux de la Vierſchere, mettre Katheline sur le premier banc de torture.

Le bourreau la mit toute nue, puis il lui raſa les cheveux & tout le corps, regardant partout si elle ne cachait aucun charme.

N’ayant rien trouvé, il l’attacha par des cordes sur le banc de torture. Elle dit alors :

— Je suis honteuſe d’être nue ainſi devant ces hommes, madame sainte Marie, faites que je meure !