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LES ANCIENS CANADIENS.

gers chargés des plus beaux fruits, les moissonneurs retournant de la prairie, avec deux voitures chargées de foins odorants, tout tendait à dissiper les impressions de tristesse qu’il avait d’abord éprouvées.

À l’exception d’un canapé, de douze fauteuils en acajou et de quelques petits meubles sauvés du désastre, l’intérieur de la maison était de la plus grande simplicité : les tables, les chaises et les autres meubles étaient en bois commun, les cloisons étaient vierges de peinture et les planchers sans tapis. Les portraits de famille, qui faisaient l’orgueil des d’Haberville, n’occupaient plus leur place de rigueur dans la salle à manger, les seuls ornements des nouvelles chambres étaient quelques sapins dans les encoignures, et abondance de fleurs dans des corbeilles faites par les naturels du pays. Cette absence de meubles plus coûteux ne laissait pas cependant d’avoir ses charmes ; les émanations de ces sapins, de ces fleurs, de ces bois neufs et résineux, que l’on respirait à pleine poitrine, semblaient vivifier le corps en réjouissant la vue. Il y avait partout une odeur de propreté, qui ne faisait pas regretter des ameublements plus somptueux.

Toute la famille, qui avait vu venir de loin M. d’Haberville accompagné d’un étranger, s’était réunie dans le salon pour le recevoir. À l’exception de Blanche, personne ne reconnut Arché qu’on n’avait pas vu depuis dix ans. La jeune fille pâlit et se troubla d’abord à l’aspect de l’ami de son enfance qu’elle ne croyait jamais revoir, mais se remettant promptement avec cette force d’âme qu’ont les femmes pour cacher les impressions les plus vives, elle fit, comme les deux autres dames, la profonde