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DE LOCHEILL ET BLANCHE.

avec les branches mêmes de l’arbre, du vin d’Espagne que l’on buvait presque toujours trempé, furent les seules liqueurs que l’hospitalité du seigneur d’Haberville put offrir à son convive : ce qui n’empêcha pas la gaieté la plus aimable de régner pendant tout le repas ; car cette famille, après de longues privations, de longues souffrances, semblait ressaisir une vie nouvelle. M. d’Haberville, s’il n’eût craint de blesser Arché, n’aurait pas manqué de faire un badinage sur l’absence de vin de Champagne, remplacé par la bière mousseuse d’épinette.

— Maintenant que nous sommes en famille, dit le capitaine en souriant à Arché, occupons-nous de l’avenir de mon fils. Quant à moi, vieux et usé, avant le temps, par les fatigues de la guerre, j’ai une bonne excuse pour ne pas servir le nouveau gouvernement : ce n’est pas à mon âge, d’ailleurs, que je tirerais l’épée contre la France, que j’ai servie pendant plus de trente ans : plutôt mourir cent fois !

— Et, interrompit mon oncle Raoul, nous pouvons tous dire comme Hector le Troyen :

…………………………… si Pergama dextra
Defendi possent, etiam hâc defensa fuissent.

— Passe pour Hector le Troyen, dit M. d’Haberville qui, n’étant pas aussi lettré que son frère, goûtait peu ses citations, passe pour Hector le Troyen, que je croyais assez indifférent à nos affaires de famille ; mais revenons à mon fils. Sa santé l’oblige, peut-être pour longtemps, voire même pour toujours, à se retirer du service ; ses plus chers intérêts sont ici où il est né : le Canada est sa patrie naturelle ; et il ne peut avoir le même attachement pour celle de ses