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UNE NUIT AVEC LES SAUVAGES.

— Ton frère te croit, interrompit l’Indien, s’ils sont tous comme le prisonnier qui malgré ses liens était toujours sur mes talons quand nous l’avons amené ici : il a la jambe d’un sauvage.

— Les Anglais, reprit le Canadien, sont grands et robustes, mais ils ont la jambe molle et le ventre gros ; si bien que, quoique souvent victorieux, lorsqu’ils poursuivaient leurs ennemis sur leurs hautes montagnes, ceux-ci plus agiles leur échappaient toujours, leurs dressaient des embûches, et en tuaient un grand nombre ; si bien que les Anglais renonçaient le plus souvent à les poursuivre dans les lieux où ils n’attrapaient que des coups et où ils crevaient de faim. La guerre continuait cependant toujours : quand les Anglais faisaient des prisonniers, ils en brûlaient quelques-uns, mais ceux-ci entonnaient au poteau leur chanson de mort, insultaient leurs ennemis en leur disant qu’ils avaient bu dans les crânes de leurs grands-pères, et qu’ils ne savaient pas torturer des guerriers.

— Houa ! s’écria la Grand’-Loutre, ce sont des hommes que ces Écossais !

— Les Écossais, reprit le Canadien, avaient pour chef, il y a bien longtemps de cela, un brave guerrier nommé Wallace ; quand il partait pour la guerre la terre tremblait sous ses pieds : il était aussi haut que ce sapin, et valait à lui seul toute une armée. Il fut trahi par un misérable, vendu pour de l’argent, fut fait prisonnier et condamné à être pendu. À cette nouvelle, ce ne fut qu’un cri de rage et de douleur dans toutes les montagnes d’Écosse : tous les guerriers se peignirent le visage en noir, on tint conseil et dix grands chefs, portant le calumet de paix, partirent