Page:De Lamennais - Paroles d'un croyant, 1838.djvu/52

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La brute a des instincts et des sympathies dangereuses. Il faut qu’aucun peuple n’entende la voix d’un autre peuple, de peur que si celui-là se plaint et remue, celui-ci ne soit tenté de l’imiter. Qu’aucun bruit du dehors ne pénètre chez nous.

Et tous répondirent : Il est vrai. Qu’aucun bruit du dehors ne pénètre chez nous.

Et un quatrième dit : Nous avons notre intérêt, et les peuples ont aussi leur intérêt opposé au nôtre. S’ils s’unissent pour défendre contre nous cet intérêt, comment leur résisterons-nous ?

Divisons pour régner. Créons à chaque province, à chaque ville, à chaque hameau, un intérêt contraire à celui des autres hameaux, des autres villes, des autres provinces.

De cette manière tous se haïront, et ils ne songeront pas à s’unir contre nous.

Et tous répondirent : Il est vrai. Divisons pour régner : la concorde nous tuerait.

Et un cinquième, ayant deux fois rempli de sang et vidé deux fois le crâne humain, dit :

J’approuve tous ces moyens ; ils sont bons, mais insuffisants. Faites des brutes, c’est bien ; mais effrayez ces brutes, frappez-les de terreur par une justice inexorable et par des supplices atroces, si vous ne voulez pas tôt ou tard en être dévorés. Le bourreau est le premier ministre d’un bon prince.

Et tous répondirent : Il est vrai. Le bourreau est le premier ministre d’un bon prince.