Page:De Lamennais - Paroles d'un croyant, 1838.djvu/77

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Vous êtes incapables d’administrer une petite propriété commune, incapables de savoir ce qui vous est bon ou mauvais, de connaître vos besoins, et d’y pourvoir : et sur cela, on vous enverra des hommes bien payés, à vos dépens, qui géreront vos biens à leur fantaisie, vous empêcheront de faire ce que vous voudrez, et vous forceront de faire ce que vous ne voudrez pas.

Vous êtes incapables de discerner quelle éducation il est convenable de donner à vos enfants : et par tendresse pour vos enfants, on les jettera dans des cloaques d’impiété et de mauvaises mœurs ; à moins que vous n’aimiez mieux qu’ils demeurent privés de toute espèce d’instruction.

Vous êtes incapables de juger si vous pouvez, vous et votre famille, subsister avec le salaire qu’on vous accorde pour votre travail : et l’on vous défendra, sous des peines sévères, de vous concerter ensemble pour obtenir une augmentation de ce salaire, afin que vous puissiez vivre, vous, vos femmes et vos enfants.

Si ce que dit cette race hypocrite et avide était vrai, vous seriez bien au-dessous de la brute ; car la brute sait tout ce qu’on affirme que vous ne savez pas, et elle n’a besoin que de l’instinct pour le savoir.

Dieu ne vous a pas faits pour être le troupeau de quelques autres hommes. Il vous a faits pour vivre librement en société comme des frères. Or, un frère