Page:De Pisan - Œuvres poétiques, tome 1.djvu/141

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


XCI



Aucunes gens mettent entente et cure
A espier, ce que les autres font,
Et d’autruy fait moult parlent, et n’ont cure
De riens celer, et les bons contrefont
Mais envie, qui si les frit et fond,
Les fait parler et de chascun mesdire,
N’il n’est si bon qu’ilz n’y treuvent a dire.

C’est grant meschief que la vie tant dure
A telle gent, et que Dieu ne confont
Si fais gloutons, par lesquelz grant injure
Reçoivent maint qui desservi ne l’ont,
Simples et bons semblent de premier bont,
Mains en y a qui sont de Judas pire,
N’il n’est si bon qu’ilz n’y treuvent a dire.

Leur faulz parler et leur male murmure
Empeschent gent, meismes l’air en corront,
Et qui plus ment volentiers plus en lure,
C’est le droit cours que gent mesdisant vont ;
Merveilles est que la terre ne font
Dessoubz tel gent, car d’eux le monde empire,
N’il n’est si bon qu’ilz n’y treuvent a dire.