Page:De Sales - Introduction à la vie dévote, Curet, 1810.djvu/264

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que Dieu à répandu sur cette amitié sa bénédiction jusqu’aux siècles des siècles. Toutes les autres amitiés ne sont que comme les ombres de celle-ci, et leurs liens sont aussi fragiles que le verre ou le jais ; au lieu que ces bienheureux cœurs unis en esprit de dévotion, sont enchaînés avec une chaine toute d’or. Philothée, ne faites jamais d’amitiés que de cette nature ; j’entends celles qui sont à votre choix, parce qu’il ne faut rompre ni négliger celles que la nature et vos devoirs vous obligent de cultiver, comme à l’égard de vos parens, de vos alliés, de vos bienfaiteurs et de vos voisins.

L’on vous dira peut-être qu’il ne faut point avoir d’affection particulière, ni d’amitié pour personne, parce qu’elle occupe trop la cœur, distrait l’esprit et produit des jalousies ; mais ce seroit vous donner un mauvais conseil, car si l’on a appris de plusieurs sages et saints Auteurs, que les amitiés particulières nuisent infiniment aux Religieux, il ne faut pas appliquer ce principe aux gens du monde : et véritablement il y a une grande différence. Dans un monastère bien réglé, tous conspirent à une même fin, qui est la perfection de leur état ; ainsi ces communications d’amitié particulière ne doivent pas y être tolérées, de peur que, cherchant en particulier ce qui est commun à tous, on ne passe des particularités aux partiali-