Page:De Sales - Introduction à la vie dévote, Curet, 1810.djvu/390

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bien dépendoit plus d’elle que de Dieu ; je ne dis pas qu’elle pense cela, mais je dis, comme si elle le pensoit.

Que si elle ne trouve pas aussitôt ce qu’elle désire, elle entre dans de grandes inquiétudes et impatiences ; et parce que ces inquiétudes, bien loin de la soulager de son mal, l’augmentent beaucoup, si elle est saisie d’une tristesse si démesurée, qu’elle perde tout ensemble le courage et la force, elle croit son mal sans remède, Vous voyez donc que la tristesse, toute juste qu’elle est au commencement, produit l’inquiétude ; et l’inquiétude augmente si fort la tristesse, qu’elle devient extrêmement dangereuse.

L’inquiétude est le plus grand mal de l’âme, si on en excepte le péché : car comme les séditions et les troubles domestiques d’un état le désolent entièrement, et l’empêchent de résister au dehors à ses ennemis, de même notre cœur étant inquiet et troublé, n’a plus la force, ni de conserver les vertus qu’il avoit acquises, ni de résister aux tentations de l’ennemi, qui fait alors tous ses efforts pour pêcher, comme l’on dit, en eau trouble. L’inquiétude provient d’un désir déréglé d’être délivré du mal que l’on sent, ou d’acquérir un bien que l’on espère ; et toutefois il n’y a rien qui augmente plus le mal, et qui éloigne plus le bien, que l’inquiétude et l’empressement : ainsi qu’il arrive à