Page:De Saumery - Les délices du Pais de Liége, Tome I, 1738.djvu/93

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
65
du Pais de Liége.

MOEURS DES HABITANS
de la Ville de Liége.



JE viens de parler le langage d’Hiſtorien ; mais qu’il me ſoit permis, ſans bleſſer les égards qui lui ſont dûs, de faire quelques réflexions ſur l’Hiſtoire.

J’ai fait voir par le précis de celle des deux derniers Regnes, que le Prince & le Peuple ont vécu dans une parfaite intelligence ; l’on ſera convaincu que les troubles arrivés ſous les Regnes précédens, ſi l’on veut bien remonter à leurs ſources, ne ſont point imputables au Peuple, dont le caractére eſt tout diférent du Portrait, que l’Hiſtoire en fait.

De tous les Liégeois, qui en mil cent vingt-cinq furent afranchis par Alberon I. de la ſervitude de Mainmorte, aucun n’existoit en mil deux cent cinquante-trois : & ce fut cette même année que les Habitans de la Ville de Liége prétendirent qu’ils devoient être gouvernés par deux Magiſtrats tirés du tiers État.

Leurs Peres aiant obtenu d’Albert de Cuick, ſur la fin du douziéme Siécle, des Priviléges conſidérables, les avoient fait confirmer en mil deux cent huit par l’Empereur Louis le Débonnaire, & en mil deux cent trente-huit par l’Empereur Henri VII.

L’amour de la liberté naturelle à l’homme, joint à l’ignorance dans laquelle on vivoit alors, fit imaginer aux petits fils de ceux qui avoient été afranchis en mil cent vingt-cinq, qu’à l’exemple des Peuples voiſins, le Peuple Liégeois s’étoit choiſi un Chef, & lui avoit donné pouvoir de lui commander, mais qu’il avoit borné & limité ce pouvoir par de certaines conditions, dont la principale étoit, qu’il ſeroit permis au Peuple de changer les Loix du Gouvernement, lorſque le bien public l’exigeroit, & même le Chef, s’il ne ſe conformoit pas aux anciennes Loix, ou à celles, qui dans la ſuite ſeroient faites par le Peuple.

La ſupoſition étoit fauſſe, c’étoit le Prince qui avoit