Page:De Smet - Lettres choisies,1875.djvu/16

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et se lançant sur sa victime déjà harassée, l’aiguillonne, l’agite et la poursuit jusqu’à ce qu’elle ait assouvi sa fureur sanguinaire, et obligé l’infortuné voyageur, déjà exténué par la chaleur, à chercher un abri étouffant sous une robe de buffle ou sous une épaisse couverture. Un jour, je fus comme le point d’attaque d’un essaim de fourmis ailées. Elles fondaient sur moi avec une telle impétuosité et en si grand nombre que j’en fus totalement couvert. J’agitai alors mon mouchoir autour de ma tête, et j’eus bientôt obtenu de mon cheval de laisser bien loin derrière nous cette phalange serrée d’insectes noirâtres, qui remplissaient un espace d’environ un quart de mille.

À ceux qui ont passé leur vie au milieu des joies de la famille, entourés de toutes les délicatesses de l’abondance, un voyage au travers du désert peut paraître une triste réalité des misères et des souffrances humaines  ; mais celui qui élève ses pensées au-dessus des choses terrestres et passagères, pour se dévouer au salut de tant d’âmes infortunées qui aimeront et serviront leur Créateur quand elles l’auront connu, celui-là ne peut voir dans toutes les privations du désert, dans toutes les difficultés et les périls qui s’y rencontrent, que de légères incommodités, bien préférables pour lui aux douceurs de l’indolence et aux dangers des richesses. Il a médité ces sublimes paroles du Seigneur : que le royaume des deux est le prix de généreux efforts, et que c’est la