Page:De Smet - Lettres choisies,1875.djvu/238

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sur le peuple, en se faisant initier à la grande bande des hommes de médecine[1] et il prétendit devenir prophète.

Tchatka n’ignorait pas que, dans sa tribu, il y avait plusieurs personnages dont le crédit était puissant, qui étaient plus anciens que lui et qui avaient acquis, par leur bravoure dans les combats et par leur sagesse dans les conseils, des titres réels à la dignité de grands chefs. Pour s’arroger seul le gouvernement du camp, il conçut

  1. Les Wah-kons ou hommes de médecine, parmi les Indiens américains, et les Panomoosi du nord de l’Asie appartiennent à la même classe. Dans les deux hémisphères, ces sortes de charlatans prétendent guérir les malades par des sortilèges  ; ils prédisent les grands événements, les batailles et le succès des chasses  ; ils se disent inspirés par des manitous, divinités ou esprits  ; ils se retirent ordinairement dans le fond des forêts, où ils jeûnent pendant plusieurs jours et pratiquent quelquefois des pénitences rigoureuses  ; ils battent alors le tambour, dansent, chantent, fument, crient et hurlent comme des bêtes féroces. Tous ces exercices sont accompagnés d’une foule d’actions extravagantes, et de contorsions de corps si extraordinaires, qu’on les prendrait pour des possédés. Ces illuminés sont visités secrètement pendant la nuit par des partisans de leur fourberie et de leur hypocrisie, qui leur transmettent toutes les nouvelles du village et des alentours. Par ces moyens, quand ils sortent de leur retraite et rentrent dans le village, ils en imposent facilement aux gens crédules. La principale partie de leurs prédictions consiste à faire un compte rendu exact de tous les faits saillants qui ont eu lieu depuis leur départ du village : les mariages, les décès, les retours de la chasse et de la guerre, avec toutes les circonstances quelque peu remarquables.