Page:De Smet - Lettres choisies,1875.djvu/248

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mystérieuses  ; on les demande avec une sorte d’impatience, mêlée d’inquiétude.

Comme préliminaire, Tchatka entonne, au son du singulier tambour, un beau chant de guerre, sans faire attention à la multitude qui se presse autour de lui. En sa qualité de grand homme de médecine, il s’était coiffé d’une toque ornée d’un duvet de cygne  ; son visage et sa poitrine étaient barbouillés de différentes couleurs, ses lèvres enduites de vermillon indiquaient qu’il était avide de sang et respirait le carnage. Lorsque toute la bande se fut rassemblée au devant et autour de sa loge, il se lève, et s’écrie d’une voix de Stentor : «  J’ai rêvé, dit-il, amis et guerriers, j’ai rêvé  !… Pendant cinq jours et cinq nuits, j’ai voyagé dans le pays des âmes  ; moi vivant, je me suis promené au milieu des morts… Mes yeux ont vu des scènes effrayantes  ; mes oreilles ont entendu des plaintes affreuses, des soupirs, des cris, des hurlements  !… Aurez-vous le courage de m’écouter  ?… Pourrai — je permettre que vous deveniez les victimes de vos plus cruels ennemis  ? Car, sachez-le bien, le danger est proche, l’ennemi n’est pas loin.  »

Un vieillard, dont les cheveux blancs annonçaient environ soixante et dix hivers, grand conseiller de a nation et jongleur, répondit : «  L’homme qui aime sa tribu ne cache rien au peuple  ; il parle lorsque le danger est imminent  ; et dès que les ennemis se montrent, il va à leur rencontre. Vous dites que vous avez visité le pays des âmes. Je crois à