Page:De Smet - Lettres choisies,1875.djvu/250

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Nos amis, dont les ossements blanchissent dans les plaines et sont emportés par les loups dans leurs retraites  ; nos amis, qui n’ont point encore été vengés, errent çà et là dans des endroits marécageux, au milieu des pluies et des neiges, dans des déserts arides et glacés, où il n’y a ni fruits, ni racines, ni animaux d’aucune espèce pour les nourrir. C’est une contrée de ténèbres, où les rayons du soleil ne pénètrent jamais. Nos morts y sont sujets à toutes les privations : au froid, à la soif et à la faim. C’est nous, leurs amis, leurs parents et leurs frères, qui sommes la cause de leurs longues souffrances et de leurs affreux malheurs. Leurs plaintes et leurs soupirs m’étaient insupportables  ; je tremblais de tous mes membres  ; mes cheveux se hérissaient sur la tête  ; je croyais mon sort fixé au milieu d’eux, lorsqu’un esprit bienfaisant vint me toucher la main et me dit : — « Tchatka, retourne à l’endroit que tu as quitté. Rentre dans ton corps, car ton temps pour venir habiter ce pays n’est point encore venu. Retourne, et tu seras le porteur de bonnes nouvelles à ta tribu. Les mânes de tes parents défunts seront vengés et leur délivrance même approche. Dans ta loge, tu trouveras un tambour orné de figures  ; tu apprendras bientôt à en connaître la signification. » — L’esprit me quitta au même instant. Sortant alors de mon rêve,’j’ai trouvé mon tambour peinturé tel que vous — le voyez ici. Lorsque mon corps s’est ranimé, je me suis aperçu qu’il n’avait