Page:De Smet - Lettres choisies,1875.djvu/372

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réjouissances, personne ne s’aperçut de la présence du Grand Chef. Il entendait les informations que ses proches parents et ses amis venaient prendre sur son sort  ; il écoutait ce qu’on disait de sa bravoure, de ses hauts faits, de sa mort glorieuse au milieu des ennemis vaincus  ; on parlait du poteau des braves planté en son honneur sur le champ de bataille. «  Me voici, — s’écria-t-il soudain, — je vis, je marche  ! Regardez-moi  !…. Touchez-moi !.., Je ne suis pas mort  !… Le casse-tête en main, je marcherai de nouveau contre nos ennemis, en avant de mes guerriers, et bientôt, au festin, vous entendrez les sons de mon tambour.  » Personne ne l’entendit, personne ne l’aperçut. La voix du Grand Chef n’avait pas plus d’importance pour eux que le bruit des eaux tombant de cascade en cascade au pied de leur village. Impatient, il se dirigea vers sa loge. Il y trouva sa femme en proie à un profond désespoir, coupant, en signe de deuil, sa longue chevelure, se lamentant sur son malheur, sur la perte d’un mari chéri et sur le triste sort de ses enfants. Il tâcha de la détromper et de la consoler par les paroles les plus douces  ; il alla embrasser ses chers enfants  ; mais ici encore, tous ses efforts furent vains : on resta insensible à sa voix et à sa tendresse. La mère éplorée s’assit, inclinant sa tête sur ses deux mains. Le chef, souffrant et abattu, la pria de panser sa profonde blessure, d’y appliquer les herbes et les racines médicinales contenues dans