Page:De Smet - Lettres choisies,1875.djvu/73

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vres. Le choléra prend dans ces parages un caractère épidémique. Plusieurs maladies se manifestèrent bientôt à bord du Saint-Ange. Aux accès de joie, aux conversations et aux chansons bruyantes de nos voyageurs, succéda un morne silence. À peine six jours s’étaient écoulés depuis notre départ, que le bateau ressemblait à un vaste hôpital. Nous étions à cinq cents milles de Saint-Louis, quand soudain le choléra se déclara dans le vaisseau. Le 10, un commis de la Compagnie américaine, jeune homme vigoureux et dans la fleur de l’âge, fut saisi subitement de tous les symptômes du fléau et expira au bout de quelques heures. Les jours suivants, plusieurs autres en furent atteints et moururent bien vite. L’épidémie emporta treize personnes en peu de temps.

Une fièvre bilieuse me cloua sur mon lit environ dix jours. Le bon Père Hoecken donnait, jour et nuit, ses soins aux malades avec un zèle héroïque. Il les visitait, les assistait dans leurs souffrances ; il préparait et administrait les remèdes, frictionnait les cholériques avec l’esprit de camphre, entendait les confessions des mourants, et leur prodiguait les dernières consolations de la religion. Il allait bénir les fosses pour les morts creusées sur la rive et enterrait ceux-ci avec les prières et les cérémonies prescrites parle rituel romain. Ce cher collègue avait le tempérament assez robuste et était habitué à une vie de privations ; mais ses travaux et ses voyages continuels au milieu des