Page:De Staël – De l’Allemagne, Tome 1, 1814.djvu/217

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
183
LA FÊTE D’INTERLAKEN

Blanc, et cependant elle inspire plus de respect, parce qu’on la sait inaccessible.

Nous arrivâmes à Unterseen, et le bruit de l’Aar, qui tombe en cascades autour de cette petite ville, disposoit l’âme à des impressions rêveuses. Les étrangers, en grand nombre, étoient logés dans des maisons de paysans fort propres, mais rustiques. Il étoit assez piquant de voir se promener dans la rue d’Unterseen de jeunes Parisiens tout à coup transportés dans les vallées de la Suisse ; ils n’entendoient plus que le bruit des torrents ; ils ne voyaient plus que des montagnes, et cherchoient si dans ces lieux solitaires ils pourroient s’ennuyer assez pour retourner avec plus de plaisir encore dans le monde.

On a beaucoup parlé d’un air joué par les cors des Alpes, et dont les Suisses recevoient une impression si vive qu’ils quittoient leurs régiments, quand ils l’entendoient, pour retourner dans leur patrie. On conçoit l’effet que peut produire cet air quand l’écho des montagnes le répète ; mais il est fait pour retentir dans l’éloignement ; de près il ne cause pas une sensation très-agréable. S’il étoit chanté par des voix italiennes, l’imagination en seroit tout-à-fait enivrée ; mais peut-être que ce plaisir feroit naître des idées étrangères à