Page:De Staël – De l’Allemagne, Tome 2, 1814.djvu/45

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
27
DES DRAMES DE LESSING

cherche à se contenir, et que la pudeur de la vieillesse lui fait désirer de cacher ce qu’il éprouve. Sa sublime patience ne se dément point, quoiqu’on le blesse dans sa croyance et dans sa fierté, en l’accusant comme d’un crime d’avoir élevé Reca dans la religion juive ; et sa justification n’a pour but que d’obtenir le droit de faire encore du bien à l’enfant qu’il a recueilli.

La pièce de Nathan est plus attachante encore par la peinture des caractères que par les situations. Le Templier a dans l’âme quelque chose de farouche qui vient de la crainte d’être sensible. La prodigalité orientale de Saladin fait contraste avec l’économie généreuse de Nathan. Le trésorier du sultan, un derviche vieux et sévère, l’avertit que ses revenus sont épuisés par ses largesses. — « Je m’en afflige, dit Saladin, parce que je serai forcé de retrancher de mes dons ; quant à moi, j’aurai toujours ce qui fait toute ma fortune, un cheval, une épée et un seul Dieu. » — Nathan est un ami des hommes ; mais la défaveur dans laquelle le nom de juif l’a fait vivre au milieu de la société mêle une sorte de dédain pour la nature humaine à l’expression de sa bonté. Chaque scène ajoute quelques traits pi-