Page:De Staël – De l’Allemagne, Tome 2, 1814.djvu/69

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
51
WALSTEIN, ET MARIE STUART.

lorsqu’on le donna sur le théâtre de Berlin, devant des officiers qui partoient pour l’armée, des cris d’enthousiasme se firent entendre de toutes parts. Il faut une imagination bien puissante dans un homme de lettres pour se figurer ainsi la vie des camps, l’indépendance, la joie turbulente excitée par le danger même. L’homme, dégagé de tous ses liens, sans regrets et sans prévoyance, fait des années un jour, et des jours un instant ; il joue tout ce qu’il possède, obéit au hasard sous la forme de son général : la mort, toujours présente, le délivre gaiement des soucis de la vie. Rien n’est plus original, dans le camp de Walstein, que l’arrivée d’un capucin au milieu de la bande tumultueuse des soldats qui croient défendre la cause du catholicisme. Le capucin leur prêche la modération et la justice dans un langage plein de quolibets et de calembours, et qui ne diffère de celui des camps que par la recherche et l’usage de quelques paroles latines : l’éloquence bizarre et soldatesque du prêtre, la religion rude et grossière de ceux qui l’écoutent, tout cela présente un spectacle de confusion très-remarquable. L’état social en fermentation montre l’homme sous un singulier aspect ; ce qu’il a de sau-