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WALSTEIN, ET MARIE STUART.

Il seroit curieux de voir représenter la pièce de Walstein sur notre théâtre ; et si l’auteur français ne s’étoit pas aussi rigoureusement asservi à la régularité française, ce seroit plus curieux encore : mais, pour bien juger des innovations, il faudroit porter dans les arts une jeunesse d’âme qui cherchât des plaisirs nouveaux. S’en tenir aux chefs-d’œuvre anciens est un excellent régime pour le goût, mais non pour le talent : il faut des impressions inattendues pour l’exciter ; les ouvrages que nous savons par cœur dès l’enfance se changent en habitudes, et n’ébranlent plus fortement notre imagination.

Marie Stuart est, ce me semble, de toutes les tragédies allemandes, la plus pathétique et la mieux conçue. Le sort de cette reine, qui commença sa vie par tant de prospérités, qui perdit son bonheur par tant de fautes, et que dix-neuf ans de prison conduisirent à l’échafaud, cause autant de terreur et de pitié qu’Œdipe, Oreste ou Niobé ; mais la beauté même de cette histoire si favorable au génie écraseroit la médiocrité.

La scène s’ouvre dans le château de Fotheringay, où Marie Stuart est renfermée. Dix-neuf ans de prison se sont déjà passés, et le tribunal