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LA LITTÉRATURE ET LES ARTS

ture toute nouvelle que celle d’une femme tyran. Les petitesses des femmes en général, leur vanité, leur désir de plaire, tout ce qui leur vient de l’esclavage enfin, sert au despotisme dans Élizabeth ; et la dissimulation qui naît de la foiblesse est l’un des instruments de son pouvoir absolu. Sans doute tous les tyrans sont dissimulés. Il faut tromper les hommes pour les asservir ; on leur doit au moins dans ce cas la politesse du mensonge. Mais ce qui caractérise Élizabeth, c’est le désir de plaire uni à la volonté la plus despotique, et tout ce qu’il y a de plus fin dans l’amour-propre d’une femme manifesté par les actes les plus violents de l’autorité souveraine. Les courtisans aussi ont avec une reine un genre de bassesse qui tient de la galanterie. Ils veulent se persuader qu’ils l’aiment pour lui obéir plus noblement, et cacher la crainte servile d’un sujet sous le servage d’un chevalier.

Élizabeth étoit une femme d’un grand génie, l’éclat de son règne en fait foi : toutefois dans une tragédie où la mort de Marie est représentée, on ne peut voir Élizabeth que comme la rivale qui fait assassiner sa prisonnière ; et le crime qu’elle commet est trop atroce pour ne pas effacer tout le bien qu’on pourroit dire de