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DE L’ALLEMAGNE

vie. À Paris on s’entretient assez généralement de littérature ; et les spectacles qui se renouvellent sans cesse donnent lieu à des observations ingénieuses et spirituelles. Mais dans la plupart des autres grandes villes le seul sujet dont on ait l’occasion de parler, ce sont des anecdotes et des observations journalières sur les personnes dont la bonne compagnie se compose. C’est un commérage ennobli par les grands noms qu’on prononce, mais qui a pourtant le même fond que celui des gens du peuple ; car à l’élégance des formes près, ils parlent également tout le jour sur leurs voisins et sur leurs voisines.

L’objet vraiment libéral de la conversation, ce sont les idées et les faits d’un intérêt universel. La médisance habituelle, dont le loisir des salons et la stérilité de l’esprit font une espèce de nécessité, peut être plus ou moins modifiée par la bonté du caractère, mais il en reste toujours assez pour qu’à chaque pas, à chaque mot on entende autour de soi le bourdonnement des petits propos qui pourroient, comme les mouches, inquiéter même le lion. En France on se sert de la terrible arme du ridicule pour se combattre mutuellement et conquérir le terrain sur lequel on opère des succès d’amour-propre ; ailleurs un