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DE LA SOTTISE DÉDAIGNEUSE

CHAPITRE X.

De la sottise dédaigneuse et de la médiocrité
bienveillante
.


En tout pays, la supériorité d’esprit et d’âme est fort rare, et c’est par cela même qu’elle conserve le nom de supériorité ; ainsi donc, pour juger du caractère d’une nation, c’est la masse commune qu’il faut examiner. Les gens de génie sont toujours compatriotes entre eux ; mais pour sentir vraiment la différence des Français et des Allemands, l’on doit s’attacher à connoître la multitude dont les deux nations se composent. Un Français sait encore parler, lors même qu’il n’a point d’idées ; un Allemand en a toujours dans sa tête un peu plus qu’il n’en sauroit exprimer. On peut s’amuser avec un Français, quand même il manque d’esprit. Il vous raconte tout ce qu’il a fait, tout ce qu’il a vu, le bien qu’il pense de lui, les éloges qu’il a reçus, les grands seigneurs qu’il