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DE L’ESPRIT DE CONVERSATION

ner de la consistance aux moindres détails. En Angleterre on permet l’originalité aux individus, tant la masse est bien réglée ! En France il semble que l’esprit d’imitation est comme un lien social, et que tout seroit en désordre si ce lien ne suppléoit pas à l’instabilité des institutions.

En Allemagne chacun est à son rang, à sa place, comme à son poste, et l’on n’a pas besoin de tournures habiles, de parenthèses, de demi-mots, pour exprimer les avantages de naissance ou de titre que l’on se croit sur son voisin. La bonne compagnie, en Allemagne, c’est la cour ; en France c’étoient tous ceux qui pouvoient se mettre sur un pied d’égalité avec elle, et tous pouvoient l’espérer, et tous aussi pouvoient craindre de n’y jamais parvenir. Il en résultoit que chacun vouloit avoir les manières de cette société-la. En Allemagne, un diplôme vous y faisoit entrer ; en France, une faute de goût vous en faisoit sortir ; et l’on étoit encore plus empressé de ressembler aux gens du monde que de se distinguer dans ce monde même par sa valeur personnelle.

Une puissance aristocratique, le bon ton et l'élégance, l’emportoient sur l’énergie, la profondeur, la sensibilité, l’esprit même. Elle disoit à l’énergie : — Vous mettez trop d’intérêt au per-