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DE L’ALLEMAGNE

plus légèrement et n’explique plus nettement ce qu’on veut dire. L’allemand se prête beaucoup moins à la précision et à la rapidité de la conversation. Par la nature même de sa construction grammaticale, le sens n’est ordinairement compris qu’à la fin de la phrase. Ainsi le plaisir d’interrompre, qui rend la discussion si animée en France, et force à dire si vite ce qu’il importe de faire entendre, ce plaisir ne peut exister en Allemagne, car les commencements de phrases ne signifient rien sans la fin, il faut laisser à chacun tout l’espace qu’il lui convient de prendre ; cela vaut mieux pour le fond des choses, c’est aussi plus civil, mais moins piquant.

La politesse allemande est plus cordiale, mais moins nuancée que la politesse française ; il y a plus d’égards pour le rang et de précautions en tout. En France, on flatte plus qu’on ne ménage, et, comme on a l’art de tout indiquer, on approche beaucoup plus volontiers des sujets les plus délicats. L’allemand est une langue très-brillante en poésie, très-abondante en métaphysique, mais très-positive en conversation. La langue française, au contraire, n’est vraiment riche que dans les tournures qui expriment les rapports les plus déliés de la société. Elle est pauvre et circonscrite