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DE L’ALLEMAGNE

Picard et Kotzebue ont composé deux pièces très-jolies, intitulées toutes deux la petite Ville. Picard représente les habitants de la province cherchant sans cesse à imiter Paris, et Kotzebue les bourgeois d’une petite ville, enchantés et fiers du lieu qu’ils habitent, et qu’ils croient incomparable. La différence des ridicules donne toujours l’idée de la différence des mœurs. En Allemagne chaque séjour est un empire pour celui qui y réside ; son imagination, ses études, ou seulement sa bonhomie l’agrandissent à ses yeux, chacun sait y tirer de soi-même le meilleur parti possible. L’importance qu’on met à tout prête à la plaisanterie ; mais cette importance même donne du prix aux petites ressources. En France on ne s’intéresse qu’à Paris, et l’on a raison, car c’est toute la France ; et qui n’auroit vécu qu’en province n’auroit point la moindre idée de ce qui caractérise cet illustre pays.

Les hommes distingués de l’Allemagne, n’étant point rassemblés dans une même ville, ne se voient presque pas, et ne communiquent entre eux que par leurs écrits ; chacun se fait sa route à soi-même, et découvre sans cesse des contrées nouvelles dans la vaste région de l’antiquité, de la métaphysique et de la science. Ce qu’on appelle