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DE L’ALLEMAGNE

réfléchie rappelle sans cesse qu’il a été formé par le grand Frédéric ; c’est son esprit et celui de sa mère qui ont attiré les hommes de lettres les plus distinguas à Weimar. L’Allemagne, pour la première fois, eut une capitale littéraire ; mais comme cette capitale étoit en même temps une très-petite ville, elle n’avoit d’ascendant que par ses lumières ; car la mode, qui amène toujours l’uniformité dans tout, ne pouvoit partir d’un cercle aussi étroit.

Herder venoit de mourir quand je suis arrivée à Weimar ; mais Wieland, Goethe et Schiller y étoient encore. Je peindrai chacun de ces hommes séparément dans la section suivante ; je les peindrai surtout par leurs ouvrages, car leurs livres ressemblent parfaitement à leur caractère et à leur entretien. Cet accord très-rare est une preuve de sincérité : quand on a pour premier but en écrivant de faire effet sur les autres, on ne se montre jamais à eux tel qu’on est réellement ; mais quand on écrit pour satisfaire à l’inspiration intérieure dont l’âme est saisie, on fait connoître par ses écrits, même sans le vouloir, jusqu’aux moindres nuances de sa manière d’être et de penser.

Le séjour des petites villes m’a toujours paru