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POURQUOI LES FRANÇAIS, etc.

on ne doit pas l’être pour celui d’une composition littéraire ; dans la sphère des beaux-arts la forme appartient autant à l’âme que le sujet même.

L’art dramatique offre un exemple frappant des facultés distinctes des deux peuples. Tout ce qui se rapporte à l’action, à l’intrigue, à l’intérêt des événements, est mille fois mieux combiné, mille fois mieux conçu chez les Français ; tout ce qui tient au développement des impressions du cœur, aux orages secrets des passions fortes, est beaucoup plus approfondi chez les Allemands.

Il faut, pour que les hommes supérieurs de l’un et de l’autre pays atteignent au plus haut point de perfection, que le Français soit religieux, et que l’Allemand soit un peu mondain. La piété s’oppose à la dissipation d’âme, qui est le défaut et la grâce de la nation française ; la connoissance des hommes et de la société donneroit aux Allemands, en littérature, le goût et la dextérité qui leur manquent. Les écrivains des deux pays sont injustes les uns envers les autres : les Français cependant se rendent plus coupables à cet égard que les Allemands ; ils jugent sans connoître, ou n’examinent qu’avec un parti pris : les Allemands sont plus impartiaux. L’étendue des connoissances fait